L’année 2024 compte un jour de plus, le jeudi 29 février. On peut le voir comme un jour de plus à vivre, mais comme il tombe en pleine semaine, c’est un jour ouvrable et c’est aussi huit heures de travail de plus pour la plupart des gens. Du travail gratuit ou pas ? Ça dépend.

« Voilà une question cocasse, qu’on ne m’a encore jamais posée », dit d’emblée Anna Potvin, spécialiste en rémunération et associée de la firme Normandin Beaudry. Sa réponse courte : ça dépend du mode de rémunération.

Les travailleurs sont payés de deux façons principales, à l’heure ou annuellement. Pour les travailleurs payés à l’heure, c’est assez simple : toute heure travaillée doit être payée. Comme l’année 2024 comptera huit heures de travail de plus qu’une année normale, le salaire annuel sera plus élevé.

C’est ce que dit la Loi sur les normes de travail, qui ne prévoit rien de particulier pour les années bissextiles. La journée supplémentaire de février a toutefois son importance dans le calcul de l’indemnité de vacances, selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), qui précise que ce calcul se fait en fonction du salaire gagné dans l’année et doit tenir compte des heures de plus que compte 2024.

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Souvent, les professionnels, les cadres et les gestionnaires ne comptent pas leurs heures et leur salaire tient compte de cette disponibilité. Une journée de travail non payée passe donc inaperçue.

Un don au patron ?

Ceux qui sont payés sur une base annuelle se trouvent à travailler une journée de plus pour le même salaire puisqu’il y a une journée de plus lors d’une année bissextile. C’est aussi le cas des travailleurs rémunérés à la semaine.

Travailler gratuitement, ça se peut ? En théorie oui, mais pour la plupart des employés qui ont un salaire annuel, ça n’a pas tellement d’importance. « Ce sont souvent des professionnels, des cadres et des gestionnaires qui ne comptent pas leurs heures et dont le salaire tient compte de cette disponibilité », dit Louise Overbeek, qui enseigne au département des sciences comptables de HEC Montréal.

Elle-même a toujours été rémunérée sur une base annuelle par ses employeurs, sans que l’idée d’avoir à travailler gratuitement une journée tous les quatre ans l’ait effleurée. Un salaire annuel pour une prestation de travail vient avec une certaine autonomie dans la gestion du temps, dit-elle. « Si l’employé ne peut pas se rendre au travail parce qu’il y a une tempête de neige, son salaire n’est pas réduit », illustre-t-elle.

Le monde du travail change, estime Louise Overbeek. « De plus en plus, on nous demande de faire une tâche et on s’organise pour la faire. Avec le télétravail, les employés ont gagné beaucoup de temps, parfois deux heures par jour, dit-elle, et leur salaire est resté le même. »

Anna Potvin, de son côté, souligne que les professionnels, cadres et gestionnaires qui ont une rémunération annuelle sont le plus souvent des employés qui ont accès à des bonifications.

« Ils ont des objectifs à atteindre et ils peuvent voir les choses différemment. Ça leur donne une journée de plus pour atteindre leurs objectifs. »

C’est une façon de voir les choses. D’un autre côté, on peut estimer que travailler une journée de plus sans être payé représente quand même beaucoup d’argent.

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Au Québec, le tiers des presque 4 millions de travailleurs reçoivent une rémunération annuelle, selon Statistique Canada.

L’année qui a 52,18 semaines

Au Québec, le tiers des presque 4 millions de travailleurs reçoivent une rémunération annuelle, selon Statistique Canada. Ce sont 1,3 million de personnes qui, en prenant comme base à titre indicatif une rémunération horaire moyenne de 40 $, renoncent à plus de 400 millions de dollars. C’est environ 320 $ par travailleur.

S’il y a des employés qui se demandent s’ils travailleront gratuitement ou non le 29 février, il y en a d’autres qui n’ont jamais eu à se poser la question. Au Québec, les employés de la fonction publique se sont prémunis contre cette éventualité il y a déjà plusieurs décennies.

Les travailleurs membres du Front commun syndical qui viennent de conclure un contrat de travail avec le gouvernement reçoivent une rémunération annuelle basée sur une année qui compte... 52,18 semaines.

C’est, vous l’aurez deviné, pour tenir compte qu’une fois tous les quatre ans, une journée de travail s’ajoute. Jour travaillé, jour payé !

Une année bissextile, pour quoi faire ?

Une fois tous les quatre ans, une journée est ajoutée à l’année pour refléter le fait que la Terre ne met pas 365 jours à faire une rotation complète autour du Soleil, mais bien 365,242199 jours. L’ajout d’une journée permet d’aligner l’année civile sur le calendrier solaire. Un décalage persiste, mais il est estimé à l’équivalent de trois jours en dix mille ans.

La pratique existe depuis le passage du calendrier julien au calendrier grégorien à la fin du XVIsiècle. La journée est ajoutée en février, le mois le plus court de ce calendrier.